LUTUM - Galerie John Ferrère
LUTUM

Javier Carro Temboury & Alexander Raczka

October 16 — November 8, 2025

Javier Carro Temboury, Intercontainers (Desert Tales), 2025, Second-hand ceramics, industrial cut, 51 x 83 x 11 cm

© Salim Santa Lucia

Lutum is an exhibition conceived in two voices, bringing together the worlds of Alexander Rączka and Javier Carro Temboury. Its title, from the Latin lutum, meaning “mud,” recalls that the ancient name of Paris, Lutetia, also finds its origin in this raw material. Mud, both fertile and unstable, here becomes a shared metaphor: that of a common ground, a soil where history, memory, and fictions intertwine.

Just a hundred meters away flows the Seine. Its successive floods and the erosion of its banks bring to light buried artifacts, gradually exhumed by the silt. When the waters recede, they drag along trunks, shopping carts, and washing machines, leaving behind the remnants of a submerged past. Alexander Rączka’s practice unfolds transversally, integrating within painting a diversity of media that expand its expressive possibilities. Some of his series arise from urban research, where the artist collects iconographic forms already present in public space while observing those that emerge more fleetingly. The city appears as a living swamp: submerged relics mingle with contemporary ruins, a continuous sedimentation is at work, weaving a spatio-temporal network of exchanges between places, objects, and individuals. Mud thus becomes a space of memory, where the city’s affects as much as its symptoms are revealed.

On this same riverbank, Javier Carro Temboury summons another archaic image: that of a human who, almost intuitively, might have shaped clayey mud for the first time without really thinking about it, leaving it forgotten by the fire, only to find it hardened. Accidental gesture, founding gesture: once fired, mud becomes irreversible.

Javier Carro Temboury collects and repurposes found objects, particularly fragments of ceramics, to reveal their historical and symbolic charge. These materials, bearers of everyday uses or forgotten memories, become the starting point for assemblages that place tradition and innovation in tension. From funerary urns to construction bricks, from water pipes to spacecraft, humanity has prolonged its own existence through this transformed matter—both tool and memory of its civilization.

Thus, mud connects us. In the contemporary silt as in the archaic hearth, it preserves and invents, it buries and reveals. It offers us fragments of ourselves—those affects we weave with objects, images, ruins, and flows—while opening up a shared narrative where the city, its ailments and its potential, and the very origin of civilization converge.

Lutum questions this passage between the sediments of the present and the earliest gestures, between what fades away and what endures. It invites us to think of mud not as a residue but as a matrix: a space of revelation, resurgence, and reinvention.

Lutum est une exposition conçue à deux voix, réunissant les univers d’Alexander Rączka et de Javier Carro Temboury. Son titre, du latin lutum, qui signifie « boue », rappelle que le nom antique de Paris, Lutetia, trouve lui aussi son origine dans cette matière première. La boue, à la fois fertile et instable, devient ici une métaphore partagée : celle d’un sol commun, d’un terreau où se mêlent histoire, mémoire et fictions.

À une centaine de mètres coule la Seine. Ses crues successives et l’érosion des berges font émerger des artefacts enfouis, que le limon exhume peu à peu. Lorsque les eaux se retirent, elles entraînent dans leur sillage troncs, caddies et machines à laver, laissant derrière elles les vestiges d’un passé englouti. La pratique d’Alexander Rączka se déploie de manière transversale, intégrant au sein même de la peinture une diversité de médiums qui en élargissent les possibilités expressives. Certaines de ses séries naissent d’un travail de recherche en milieu urbain, où l’artiste collecte des formes iconographiques déjà présentes dans l’espace public tout en observant celles qui apparaissent de façon plus émergente. La ville apparaît comme un marécage vivant, les vestiges engloutis se mêlent aux ruines contemporaines, une sédimentation continue est à l’œuvre, tissant un réseau d’échanges spatio-temporels entre lieux, objets et individus. La vase devient alors un espace de mémoire, où se révèlent autant les affects que les symptômes de la ville.

Sur cette même rive, Javier Carro Temboury convoque une autre image archaïque : celle d’un humain qui aurait façonné la boue argileuse pour la première fois presque intuitivement, sans y penser vraiment, oubliant sa forme près du feu, avant de la retrouver durcie. Geste accidentel, geste fondateur : la boue, une fois cuite, devient irréversible.

Javier Carro Temboury collecte et détourne des objets trouvés, en particulier des fragments de céramique, pour en révéler la charge historique et symbolique. Ces matériaux, porteurs d’usages quotidiens ou de mémoires oubliées, deviennent le point de départ d’assemblages qui mettent en tension tradition et innovation. De l’urne funéraire aux briques de construction, des tuyaux d’eau aux vaisseaux spatiaux, l’humanité a prolongé sa propre existence dans cette matière transformée, outil et mémoire de sa civilisation.

Ainsi, la boue nous relie. Dans la vase contemporaine comme dans le foyer archaïque, elle conserve et elle invente, elle enfouit et elle révèle. Elle nous offre des fragments de nous-mêmes, ces affects que nous tissons avec les objets, les images, les ruines et les flux, tout en ouvrant un récit commun où se rejoignent la ville, ses maladies et ses possibles, et l’origine même de la civilisation.

Lutum interroge ce passage entre sédiments du présent et gestes premiers, entre ce qui s’efface et ce qui demeure. Elle invite à penser la boue non pas comme un résidu, mais comme une matrice : un espace de révélation, de résurgence et de réinvention.

Exhibition view, La morsure des termites, Palais de Tokyo, 2024

© Aurélien Mole